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Le routage Pakistanais


Voilà un mois que je suis de retour sur le sol français après plus de 5 semaines de voyage au Pakistan. Ce pays d’Asie centrale contient l’une des parties les plus intéressantes du massif de l’Himalaya. C’est là qu’avec mon compagnon de cordée Jérémy Stagnetto, nous avons repéré un sommet vierge dans le massif de l’Hispar Muztagh.

Le Pumari Chhish East culminant à près de 6800 m est alors devenu le sujet principal de nos rêves et discussions avec Jérémy, guide de haute montagne de 32 ans habitant à Briançon. La préparation d’un tel voyage n’est pas anodine et se prévoit plusieurs mois à l’avance.

Dans cette partie du monde, nous sommes obligés de passer par une agence de voyage qui s’occupe d’obtenir les différents permis nécessaires à l’accès aux montagnes, nous nous devons également d’être accompagnés d’un agent de liaison, personne ayant pour rôle de vérifier que nous respectons la montagne, que nous allons bien sur les montagnes pour lesquelles nous avons le permis. Cette personne nous est également d’une très grande utilité dans l’organisation de nos déplacements dans ce pays où les touristes se font rares.

Outre la préparation de la nourriture et du matériel nécessaire, l’une des clés de la réussite d’une expédition d’alpinisme est le routage météo. J’avais déjà expérimenté cette discipline en tant que météo pour des amis partant en expédition en Patagonie mais cette fois c’est moi qui partirai et mes collègues qui m’aideront. Deux prévisionnistes-nivologues du centre de Briançon, Jean-Paul Taillepied et Florent Labit, ont donc accepté de s’occuper du routage pour cette expédition pakistanaise.

Après une présentation du projet et une courte introduction à la géographie de notre camp de base ainsi que de la face que nous allions tenter, nous avons mis en place un envoi des prévisions sur le téléphone satellite, objet que nous emmenons avec nous dans nos moindres déplacements durant l’expédition. En effet, cet appareil est notre seul moyen de communication avec l’extérieur, sa mission principale est de prévenir les secours en cas d’accident grave. Mais il faut savoir que même avec un tel appareil, nous évoluons dans un endroit à plus de 5 jours de marche de toute civilisation, le moindre petit soucis de santé peut donc vite devenir dramatique.

En complément, le téléphone nous sert également à donner des nouvelles au monde extérieur et enfin à recevoir les prévisions météo pour organiser nos tentatives sur le sommet convoité de la meilleure des manières.

Durant ces cinq semaines, Jean-Paul et Florent se sont donc relayés pour rédiger un bulletin de prévision tous les deux jours qui concernait J à J+4 en général, une prévision plus lointaine aurait été inutile étant donné l’importante variabilité des modèles.

Les modèles utilisables sur cette zone sont au nombre de deux, le modèle américain GFS disponible en 0.5° et 1.5° ainsi que le modèle européen CEP mais ce dernier n’offre qu’une échéance très limitée. Les deux prévisionnistes se sont donc concentrés sur le premier modèle grâce auquel ils établissaient un bulletin sur différents paramètres, à savoir : le vent à 500hPa, cela correspond environ au vent à 5500 m, altitude du milieu de notre face qui est exposée Sud, paramètre donc très pertinent. Ensuite, la température à 500 hPa, ainsi que les précipitations sur 24h et la couverture nuageuse.

Globalement, les prévisions ont été de très bonne qualité tout au long du séjour et les créneaux de beau temps ont été efficacement identifiés. Je note tout de même un excédent souvent important des quantités de précipitations à savoir que des cumuls neigeux prévus entre 10 et 20 cm se traduisaient en général par quelques averses donnant tout au plus quelques cm.

D’autre part, la zone de l’expédition présentait un affaiblissement brusque du vent. Cette dévente qui paraissait à première vue comme une erreur du modèle s’est en fait avérée réelle sur le terrain car nous n’avons jamais rencontré de rafales supérieures à 50 km/h même sur les sommets à plus de 6000 m.

Le flux général variait très peu globalement de Nord à Ouest, ainsi le type de temps était peu variable. Beaucoup de belles journées largement ensoleillées et quelques passages perturbés, tout au plus 5-6 journées de mauvais temps sur 5 semaines au camp de base.

Les températures sont restées très clémentes le long du séjour, avec environ -10 degrés les nuits vers 4800 m et un isotherme 0 degré qui oscillait entre 4200 et 4500 m. La limite pluie-neige était souvent aux alentours du camp de base, vers 4200 m. Sur la période, les températures ont très peu évolué.

La principale difficulté pour les prévisionnistes a été de ne pas connaître la géographie de l’endroit, malgré les quelques photos et les explications mises à disposition, prévoir la météo pour une zone géographique dont on ignore les détails est assez déstabilisant.

D’un point de vue plus sportif, l’objectif principal du voyage n’a pu être atteint car mon compagnon de cordée a subi plusieurs mal des montagnes à répétition dès qu’il montait à une altitude supérieure à 5000 m. Nous n’avons donc pas pu finaliser notre acclimatation pour l’objectif prévu. L’importante fatigue due à ces soucis d’altitude a obligé mon compagnon à rester à un camp vers 3500 m, seule altitude à laquelle il arrivait à récupérer. J’ai pour ma part tout de même pu profiter du séjour en finalisant mon acclimatation seul en ouvrant quelques pentes de neige au-dessus du camp de base. J’ai ensuite pu ouvrir un itinéraire de plus grande ampleur sur un sommet encore vierge culminant vers 6000 m, cet itinéraire de près de 2000 m de dénivelé comportait plusieurs passages techniques dans lesquels j’ai du m’auto-assurer. J’ai nommé le sommet gravi Chapati Peak en référence au pain local qui était notre principale source d’alimentation, la voie s’appelle quant à elle : « La Vengeance de Robîne » en référence au surnom de Jérémy : Batman. Ouvrir des itinéraires d’alpinisme sur des sommets encore vierges de tout passage humain reste un sentiment unique surtout avec cette sensation d’être à l’autre bout de la terre loin de toute autre présence humaine.

Finalement, cette expédition fut une expérience incroyable de par ses nombreuses découvertes autant sur le plan culturel que sportif. Je reste très motivé pour l’alpinisme de haute altitude et prévois de repartir prochainement pour une nouvelle tentative. Le fait de pouvoir lier ces expériences avec la météo ajoute un autre intérêt et j’aimerais à l’avenir pouvoir collecter plus d’informations, par exemple nivologiques, pour mieux appréhender la météo dans ces zones du globe encore peu connues, mais également tenter d’améliorer les méthodes de routage en faisant le bilan des situations météo rencontrées sur cette expédition.

Je tiens particulièrement à remercier les Bourses Expés qui ont soutenu notre projet du début à la fin et sans qui rien de tout ça n'aurait pu se réaliser ; ainsi que mes partenaires personnels Millet, Révo Sunglasses, Opsrey Packs et Rock empire.

Enfin, merci à Météo France de me donner la disponibilité nécessaire à la réalisation de tels projets.


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